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Spectacles en projet pour l'année 2018

Annie Ernaux : La Place

Texte lu par Nathalie Andrès

 

"Enfant, quand je m'efforçais de m'exprimer dans un langage châtié, j'avais l'impression de me jeter dans le vide. Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un père instituteur qui m'aurait obligée à bien parler sans arrêt en détachant les mots. On parlait avec toute la bouche.
Puisque la maîtresse me "reprenait", plus tard j'ai voulu reprendre mon père, lui annoncer que "se parterrer" ou "quart moins d'onze heures" n'existaient pas. Il est entré dans une violente colère. Une autre fois: "Comment voulez-vous que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps !" Je pleurais. Il était malheureux. Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancœur et de chicanes douloureuses, bien plus que l'argent. » 

Annie Ernaux

Pierre Michon : Rimbaud le fils

 

Texte  lu par Paùla de Oliviera

 

 

“Qu’est ce qui relance sans fin la littérature ? 

Qu’est ce qui fait écrire les hommes ?

 Les autres hommes, leur mère, les étoiles, ou les vieilles choses énormes, Dieu, la langue ? 

 Les puissances le savent. Les puissances de l’air sont ce peu de vent à travers les feuillages. La nuit tourne. La lune se lève, il n’y a personne contre cette meule. Rimbaud dans le grenier parmi des feuillets s’est tourné contre le mur et dort comme un plomb.”

 

Le texte :

 

“Du garçon aux doigts noirs, aux mains rougies de blanchisseuse - et c'est déjà, en ces couleurs, un curieux gamin qui se profile et qui s'échappe - Pierre Michon ne raconte pas l'histoire : il en observe l'irruption et l'entourage. Qu'avons-nous encore à apprendre, aujourd'hui, de l'Ardennais, sinon cette façon qu'il eut de venir, de ne pas attendre, de demander tout de suite à la poésie son dû, et de s'en aller? A quel prix des mots méritent-il de rimer ensemble? Le jeu du langage en vaut-il jamais la chandelle? Vivre peut-il être autre chose qu'une erreur?

 

Michon raconte le dérangement-Rimbaud. Il n'ajoute pas quelques chapitres à la Vulgate. Il la commente un peu, il écrit surtout son propre Evangile. Pour cela, il se faufile dans la colère du gamin mal commode, regarde Charleville et Paris avec ses yeux, et comprend pourquoi ça n'a pas marché bien longtemps, cette affaire de vers dont on attend des clartés qui ne s'allumeront pas. Ça devait tourner court, inutile et insupportable.”

                                                                            Jean-Michel Maulpoix

GROS CÂLIN

 

Texte de Emile AJAR

Mis en scène et interprété par Denis REY

La fable :

« Lorsqu’un python s’enroule autour de vous et vous serre bien fort, la taille, les épaules, et appuie sa tête contre votre cou, vous n’avez qu’à fermer les yeux pour vous sentir tendrement aimé. C’est la fin de l’impossible, à quoi j’aspire de tout mon être. Moi, il faut dire, j’ai toujours manqué de bras. Deux bras, les miens, c’est du vide. Il m’en faudrait deux autres autour. » 

Michel Cousin, timide célibataire noyé dans un Paris trop grand pour lui, adopte un python pour combler son manque de tendresse. Gros-Câlin, c’est son nom, s’enroule autour de lui et l’étreint sans modération. Mais ce réconfort exige quelques contreparties et la vie avec un python n’est pas sans répit. Il faut d’abord le nourrir sans transiger avec les lois de la nature et supporter les sarcasmes de tous ceux qui n’aiment pas les reptiles. 

Heureusement, Monsieur Cousin est optimiste et ne renonce jamais. Il est amoureux de Mademoiselle Dreyfus, sa collègue de bureau, « une Noire de la Guyane française ». Il se dit que forcément, elle aussi adorera vivre avec son python... 

Fable humoristique et premier roman de Romain Gary sous le pseudonyme de Emile Ajar, Gros-Câlin est le récit labyrinthique d’une solitude, l’histoire d’un homme qui se débat dans une vie qu’il voudrait joyeuse. C’est tout à la fois drôle et pathétique, absurde et émouvant. 

Humain tout simplement. 

 

Création printemps 2018

Frédéric Ferrer : L’Atlas de l’Anthropocène

 

Cartographie 6 : De la morue

Et des questions vraiment très intéressantes qu’elle pose pour la compréhension de tout un tas de choses du monde d’aujourd'hui

La morue est un poisson, en fait plutôt une famille de poissons, parce qu’il y a plein d’espèces de morues différentes, qui vit dans les eaux froides de l’hémisphère nord, et dont la queue plate a nourri le vocabulaire vestimentaire, « oh la belle queue-de-morue que tu as » a-t-on souvent pu entendre, à ne pas confondre avec la queue-de-pie, qui ne se présente pas de la même manière car la Pie est un oiseau à la queue fendue, ce qui n’est pas du tout le cas de la morue - ce serait intéressant d’ailleurs, s’agissant de la Pie, de savoir pourquoi cette espèce est souvent classée comme nuisible alors qu’elle remplit pourtant de grands services écosystémiques – et  le fait que les humains la considèrent bavarde et voleuse n’arrange rien à ce sujet, mais c’est une autre question, et j’y reviendrai plus loin - car ce qui est intéressant ici c’est la morue, d’abord parce qu’en tant qu’espèce menacée elle pose question, mais surtout à cause du moratoire de la morue, et davantage encore de la guerre qu’elle a nourri – la fameuse « guerre de la morue » au sujet de laquelle il y aurait beaucoup de choses à dire – guerre qui a elle même plongé l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon dans une crise grave – crise autant économique que géopolitique – car derrière tout cela bien sûr il y a la fameuse french-baguette, c’est à dire la question - non de la baguette, il n’est pas question ici de pain, ni au sens  alimentaire, ni du point de vue du boulanger – mais bien de la morphologie spatiale – c’est à dire ici de la forme d’un territoire – marin en l’occurrence – et cela du fait des nouvelles règles édictées à Montego-Bay, je veux parler des limites du plateau continental de la Convention Cadre des Nations Unies sur le droit de la mer, et donc la question des zones d’exploitation exclusives par les Etats des territoires océaniques – ici entre le Canada et la France – c’est à dire tout simplement l’appropriation du monde, et donc la question des frontières – qui mériterait qu’on s’y arrête quelques instants, tant elle pose question aujourd’hui - je veux dire la frontière – en terme de limite s’entend, c’est à dire l’endroit où il faut faire front, car c’est bien de cela qu’il s’agit, c’est de la bataille qu’il faut mener pour faire front, c’est à dire défendre le fameux « limes », celui qui nous protège des autres, des barbares – et partant donc aussi les différentes possibilités de s’en affranchir, ou de la franchir, de la contourner, ou d’en crever, je veux dire de la frontière, car c’est bien de cela qu’elle crève, je veux dire la morue maintenant.

Frédéric Ferrer - suite - Cartographie 2

Les Vikings et les satellites

Conférence sur l'importance de la glace dans la compréhension du monde (climato-sceptiques, réchauffistes et Groenland)

 

En 981, Erik le Rouge (940 – 1010) est banni d’Islande suite à un assassinat. Il navigue alors en direction de l’ouest et finit par découvrir une nouvelle terre, le Groenland. Les Vikings s’installent sur cette terre, construisent des maisons et des églises, vivent ici pendant plus de 4 siècles et disparaissent subitement vers 1430.
Ce peuplement viking est aujourd’hui l’objet d’une controverse au sein de la communauté scientifique. Pour les uns, les climato-sceptiques, ce peuplement est la preuve que le réchauffement climatique actuel n’est pas d’origine anthropique et correspond à une variation naturelle du climat. Pour les autres, ce peuplement ne peut remettre en question l’impact des activités humaines sur les changements climatiques. La bataille est violente. Elle oppose deux lectures du monde d’aujourd’hui et deux manières de penser le monde de demain et les modes de développement des sociétés humaines. Pourquoi Erik le Rouge et les Vikings sont-ils aujourd’hui au cœur de ce conflit ? Parce qu’Erik le Rouge a baptisé cette terre « Groenland », c’est à dire « terre verte ». 

Mille ans après leurs premières migrations, les Vikings continuent de semer la pagaille dans le monde.
Leur “expérience” du changement climatique et leur héritage sont aujourd’hui l’objet d’interprétations qui divisent la communauté scientifique. Les satellites peuvent-ils nous aider à comprendre la bataille qui se joue? Que nous disent-ils de la calotte glaciaire? de la banquise? du Groenland

Cette proposition artistique est le résultat d’un travail de rencontres et d’échanges avec des scientifiques et spécialistes du monde arctique.

La Cuisine de Marguerite

d’après La cuisine de Marguerite et La vie matérielle

de Marguerite Duras

Interprété par Corinne Mariotto

Parler de soi au plus concret, au plus trivial des tâches matérielles, parler de soi adossée à une fonction vitale, sociale, essentielle et connue de tous : cuisiner, manger, ensemble, un repas. 

A partir de cette «entrée», de cette fonction dévolue traditionnellement à la femme «nourricière», Marguerite Duras suit le fil de son expérience intime qui la mènera à la mère, à l’enfance, à l’exil, aux rapports hommes / femmes, à l’éducation des enfants, à l’amitié, à la guerre, à l’écriture toujours...bref à une conception entière de la vie...et à ses thématiques obsessionnelles. 

Elle tire ce fil plus loin encore dans le temps pour évoquer la condition féminine à travers l’histoire, bordée par la folie, le suicide, l’aliénation. 

Déployer la trame du quotidien jusqu’à en dégager une vision philosophique et politique, cette démarche est toujours aussi exemplaire et féconde qu’il y a presque trente ans, lors de l’écriture de «La vie matérielle». 

Parfois péremptoire ou polémique, toujours lucide et profonde, la voix de «la vie matérielle» est plus que jamais d’actualité, ne serait-ce que pour éprouver et mesurer l’écart - ou le peu d’écart - qui subsiste avec notre existence d’aujourd’hui... 

L’adapter pour Corinne a consisté à agencer et à sélectionner ce qui, dans le corpus du texte, s’inscrirait avec fluidité et pertinence dans le temps et la trame des actions concrètes mêlées (raconter / cuisiner) qui feront spectacle, avec l’espoir de transformer cette parole chaleureuse et directe en véritable et délectable expérience partagée.   

          Muriel Benazeraf (metteur en scène)

La scène déménage a souhaité dans l’esprit de la collaboration amicale qui la lie à Anne Danais (Les soliloques de Mariette) soutenir le nouveau projet artistique de Labelles et Cie. Le meilleur soutien, pour nous, est de promouvoir ce  travail en l’inscrivant dans notre programmation 2018.

PORT RACINES

de et avec Pierre Bertrand, Anne Danais, Anaïs Renaudie

 

 « Il n'est pas facile de qualifier le spectacle Port racines tant son écriture, son esthétique et ses personnages sortent de l'ordinaire et ne répondent à aucun genre habituel. Conte ? Fable ? Récit ? Parfois chantée, un peu dansée, l'écriture, à la fois poétique et crue provoque un foisonnement d'images. Rêvées ou réelles ? On ne sait pas, et on s'en moque car on est très loin du réalisme. Et pourtant on y parle de la mer et ses naufrages, d'exode, de pollution, de radioactivité, de guerre, de misère, de violence et de domination masculine. Autant de sujets atemporels et constants à l'ombre du fantôme de Jacques Prévert. L'histoire est racontée par trois personnages, bloqués dans un port déserté du Cotentin : la vieille Bobette, Lanaïa, femme-enfant déposée par la mer et le très charmant Handive arrivé de la Lande, bavard et mythomane qui cherche l'aventure mais aussi l'amour. Ces trois êtres fantasques mêlent leur trois paroles et évoluent avec grâce dans un fouillis de textiles aux couleurs chatoyantes, tirés d'un tas de sacs Tati qui symbolisent deux désirs contradictoires, l'appel d'un ailleurs, et la force des racines. »

Catherine Reynaud, La Nouvelle République, 20 mars 2017

Fantômes

 

Leur départ fut une tragédie. Une fois franchie la stupeur, la mémoire lancinante du dernier souffle se dissipe. 

Ils nous reviennent intacts. Intacts. Et beaux. Parce que tout ce qui les ramène est vivant. Un son, une lumière, une brise, une température, une odeur, une pensée. 

 

QUELQUES MOTS À PROPOS DE CE TRAVAIL

Cette forme volontairement minimale et autonome est portée par deux artistes qui se rencontrent pour la première fois sur un projet commun rêvé par eux de longue date. La parole poétique et intime côtoie le souffle d’une guitare classique, celle de Thibaud Defever, par ailleurs chanteur-auteur-compositeur tendrement persuasif, d’une très grande et délicate virtuosité. 

Monique Brun est comédienne.

L’énigmatique évidence de la poésie est pour elle une puissante manière d’exprimer l’indicible. 

 

Le superbe texte d’Apollinaire, “La Maison des morts”,  est au cœur de cette promenade. D’autres poètes l’entourent : Pirotte, Ruiz, Bataille, Renard, Blake, Berger, Cadou… et l’écriture de Thibaud Defever.

Duo Sandra Rumolino - Kevin Seddiki

 

TRES LUCEROS 

(Pépites argentines et catalanes sur écrin de cordes de guitare et de percussion persanes)

 

La chanteuse argentine Sandra Rumolino, diva du Tango, et le guitariste/percussionniste français Kevin Seddiki nous offrent leur sublime Tres Luceros, une aventure poétique et acoustique inspirée et vibrante, reliant les sonorités et les sensibilités des Suds d'ici et d'ailleurs. S'y écoutent forcément les influences latines de Buenos Aires d'où Sandra puise son langage musical et dont les harmonies et les rythmes sud-américains ont largement déteints sur le jeu de Kevin, qui partage d'ailleurs régulièrement les scènes des jazzmen Dino Saluzzi et Al Di Meola. Leur origine italienne est aussi un dénominateur commun aux deux complices qui se côtoient depuis maintenant 5 ans et à celle-ci s'ajoutent l'Algérie du concertiste, ici compositeur et arrangeur de l'album, ainsi que l'Andalousie et l'Iran, qui transparaît à travers sa pratique du zarb (instrument de percussion perse), transmise par l'illustre famille Cheminari. Chants et folklores d'Amérique du sud, jazz, musique classique et rythmes orientaux se mêlent et s'entrelacent dans une ambiance tamisée et colorée à l'instar de la voix, de la guitare et des percussions qui s'accompagnent tendrement dans un concert sonore intimiste où l’émotion prime. 

Orlando trio

 

King Kong Power

 

Aïda Sanchez : chant, piano

Christelle Boizanté : chant, percussions

Frédéric Marchand : chant, accordéon, piano

 

Orlando est un trio où chaque sexe est représenté : homme, femme et le troisième. Leur univers musical est une zone jusqu’alors inexplorée, un carrefour transgenre où la plus délicate poésie et le burlesque le plus acharné font équipe. Tous chanteurs, auteurs et compositeurs, ils déploient sur scène un spectacle très free, intriguant et décapant.

 

Sous ce nom inspiré d’un roman de Virginia Woolf, se cachent des personnalités volcaniques, qui  échangent volontiers rôles, instruments, sexes, baisers et places devant le micro. Avec une complicité qui fait plaisir à voir, ils et elles aiment jouer entre théâtre et chansons. Ils boxent, caressent, se lâchent avec réserve, se retiennent avec fureur et même parfois l’inverse...!

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